Tu vas avoir mal à la tête pendant quelques jours après ça, c'est normal. Ton esprit va récupérer, tout ira bien. Tu es prêt ? Je lance un regard craintif au père d'Eldon, cet homme si sombre mais pourtant si souriant qui me caresse gentiment l'épaule pour m'inciter à garder mon calme. Dans ma tête, mes pensées se bousculent. Je dois faire le vide, et vite. Lui cacher ce qu'il se passe dans mon esprit, l'éloigner de mes secrets les plus honteux. Monsieur Lancaster lève sa baguette adroitement, la pointant doucement sur ma tempe droite. Il me lance un regard entendu avant de lancer une incantation que je ne connais pas encore. Legillimens ! Pas de rayon lumineux ni de boom sonore. Juste une explosion de couleurs dans ma tête. Je me vois petit, en train de courir après James pour qu'il me rende mon mini balai. Du James tout craché. Pendant que je galope après lui, maman nous regarde avec un air hilare sur le visage. Moi, je n'ai pas envie de rigoler. J'ai juste envie de voler sur mon balai pour faire comme papa. Ce héros. Le héros du monde sorcier. Celui-qui-nous-a-débarrassé-de-lord-Voldemort. Un sourire ironique s'incruste sur mon visage. Un héros, hein. Tant mieux pour lui. Le contraste entre le moi de l'époque et le moi de maintenant est saisissant. Je commence doucement à me rendre compte de mon évolution. Quand j'étais petit, j'admirais papa, le célèbre Harry Potter. Je voulais marcher dans ses traces et tout faire comme lui. Aller à Gryffondor, devenir Attrapeur et m'inscrire au tournoi des trois sorciers. Pour qu'il soit fier de moi. Mais James lui ressemblait plus. Déjà physiquement, c'était troublant. Moi, j'étais le petit canard, qui savait à peine voler par lui-même. J'ai toujours eu besoin des autres pour avancer.

Ne me laisse pas entrer dans tes pensées les plus intimes, Albus. Je recommence. Legillimens ! Nouvelle explosion de couleurs, d'images et de sons. T'iras à Serpentard je suis sur, avec ta petite tête de cobra. Une grimace traverse mes lèvres. Papa le remarque immédiatement et il m'écarte du groupe pour me demander pourquoi j'ai l'air si triste. J'suis pas triste, j'suis énervé. James arrête pas de dire que le chapeau va m'envoyer à Serpentard. Papa me regarde avec un air confiant, un petit sourire sur le bord des lèvres. Tu sais, lors de ma répartition, le chapeau voulait m'envoyer à Serpentard. Mais au final, ce n'est pas sa décision qui compte, mais la tienne. Il en tiendra toujours compte. Crois moi. Quel que soit ton choix, ta maman et ton papa seront toujours là pour toi. Ne t'en fais pas Albus. L'homme duquel tu tiens ton deuxième prénom était à Serpentard, et c'était l'homme le plus courageux que je n'ai jamais connu. Encore la rengaine des prénoms. Il pouvait pas m’appeler James Potter III ? J'ai jamais demandé à être à la hauteur des prénoms que je porte. Me donner ces noms, c'est comme m'obliger en avance à devenir un sorcier remarquable. Et j'suis sur qu'il raconte tout ça juste pour me rassurer. Il serait super déçu si j'allais à Serpentard. Un Potter-Weasley à Serpentard, ça n'existe pas. Je crois même pas à son histoire de chapeau. Papa, c'est le Gryffondor par excellence. Un peu bête, mais courageux et fort. Moi, j'me sens pas courageux ou fort. Mais au moins j'suis pas bête. Il parle de Severus Rogue ? J'agite la tête de haut en bas, les mâchoires serrées par son intrusion dans mon cerveau.

Une autre fois. Allez. Legillimens ! Boom. Nouveau décor. Tu sais je t'aime bien Albus. Genre vraiment. Elle se rapproche de moi pour m'embrasser et sa main se pose tendrement sur ma joue. Alors que ses lèvres s'apprêtent à toucher les miennes, mon corps se révulse et je m'écarte, sans savoir pourquoi. Désolé, t'es jolie et tout, mais j'crois que j'suis malade. Je m'éloigne d'elle en courant et je me précipite dans ma salle commune avant de m'écrouler sur le canapé vert. L'air est humide et le feu de la cheminée s'éteint progressivement, mais j'aime cette salle. J'aime m'allonger et regarder le plafond en pierre, constellé de petites tâches de mousse. Alors, vous avez... la voix de mon meilleur ami Jarvis me fait sursauter. Non. J'avais pas envie. Mes yeux se posent sur lui, dans un mélange de respect et plus curieusement, de désir. Tu sais Albus... j'ai un truc à te dire depuis un moment. Je crois que... j'crois que je suis amoureux de toi... j'sais qu'on est des garçons tous les deux et tout, mais... je l'embrasse sans lui laisser le temps de répondre, les yeux fermés, profitant à fond de ce baiser qui déstabilise tous mes sens. Il s'écarte légèrement de moi, ses yeux verts magnifiques plongés dans les miens. On garde ça pour nous, d'accord ? Mon père va me tuer si quelqu'un lui raconte ça. Son père est un ancien Mangemort très intolérant et violent, Jarvis revient souvent de ses vacances avec des marques sur le corps. Je n'ai jamais osé en parler avec lui. Mais je sais que son père est un gros sadique. Je déteste ce type. Je comprends parfaitement pourquoi Jarvis veut garder ça pour nous.

Je ne te juge pas, ne t'en fais pas. Le père d'Eldon me regarde comme d'habitude, sans se soucier d'avantage de ce passage de ma vie. Dis moi si tu commences à être fatigué. Tu dois vraiment m'empêcher de regarder tout ça, d'accord ? Je hoche la tête pour lui montrer que je suis prêt alors que sa baguette se lève une nouvelle fois. Legillimens ! Il sait, Albus. Il est au courant. Je pars de Poudlard demain. Il m'envoie à Salem, loin de lui. Loin de toi. Je suis désolé. Mon cœur se serre. Je veux pas que tu partes. Ou alors je viens avec toi. J'ai rien à perdre. Il ferme les yeux en posant ses lèvres sur mon front. Je t'aime, tu sais. Mais tu dois vivre ta vie pour toi. Pas pour les autres, pas pour faire plaisir à tes parents. Fais-le pour toi. Tu mérites d'être heureux, Albus. Mais ce bonheur, je peux pas te l'offrir. Pas aujourd'hui. Je le serre contre moi, fortement, la tête posée sur son épaule massif. Et demain ? Tu pourras demain ? Ses lèvres s'étirent d'un sourire ironique alors qu'il s’écarte de moi pour terminer sa valise. Il a prévu de me marier avec une autre sang-pur de bonne famille. Mais tu peux pas me faire ça, putain. Pas après tout ça. Albus, tu sais que c'est pas de ma... C'est pas mon problème. Tu aurais pu faire quelque chose, non ? Tu vas encore faire le fils à papa qui est incapable de dire non ? Sans lui laisser le temps de répondre, je sors de son dortoir, les poings serrés par la colère. Quand je reviens à la réalité, c'est pour sentir des larmes couler le long de mes joues. Bordel que j'ai été égoïste ce soir là. Il voulait rester avec moi ce soir-là, ce soir-là et les autres. Il voulait me montrer à quel point il m'aimait. Il avait besoin de mon soutien et moi je me suis barré sans lui laisser une seule chance de me dire adieu. La main d'Eldon se pose maladroitement sur mon épaule. Il n'a jamais été très tactile avec moi. Ce soutien de sa part me touche énormément.

J'ai eu du mal à obtenir les dernières informations de ta vie. Je pense qu'on touche au but. Legillimens ! Il fait sombre dans le cachot, l'eau goutte contre les murs et un chaudron libère quelques traits de fumée de temps à autre. Agenouillé au milieu de la pièce, je lis assidument un recueil de maléfices que m'a prêté mon meilleur ami. Le livre est assez vieux, je pense qu'il appartenait à son père et à son père avant lui. Les maléfices contenus à l’intérieur semblent vraiment affreux mais je suis fasciné par l'univers de la magie noire. Je ne sais pas ce qui m'attire dans cette sombre branche de la sorcellerie mais elle exerce une étrange attraction sur moi. J'ai dix-sept ans dans quelques jours et je compte profiter de la majorité pour voler de mes propres ailes. Quitter la maison familiale, m'installer dans un appartement rien qu'à moi et me trouver un boulot en attendant de continuer mes études ailleurs. Parfois je repense à Salem et à Jarvis, mais je sais qu'il a du m'oublier depuis tout ce temps. Il doit être marié, peut-être même qu'il a des gosses. Jarvis avait deux ans de plus quand je l'ai rencontré, j'étais probablement pas assez mature pour lui. Je me concentre à nouveau sur mon livre et je laisse mes lèvres articuler les maléfices. Juste pour les connaitre et les assimiler, je ne compte pas les utiliser un jour. Entre apprendre la magie noire et l'utiliser, il n'y a qu'un pas que je n'ai certainement pas envie de franchir. N'empêche que la magie noire est intéressante. Les gens avec qui je passe mon temps sont intéressants. Les gens diabolisent les sang-pur et les fils de mangemorts alors qu'ils ne sont pas plus méchants que les autres. J'ai passé énormément de temps avec eux. Certains ont même tout mon respect. Plus que d'anciens héros de guerre qui se pavanent aujourd'hui en racontant à qui veut bien l'entendre à quel point ils étaient courageux. La vérité, c'est que la moitié de ces héros n'étaient que des gosses effrayés par une réalité trop sombre pour eux. Je suis contre les meurtres et la violence gratuite, mais je suis aussi contre la diabolisation et le jugement. Juger quelqu'un sur un nom de famille ou sur une réputation, c'est ridicule. Je pense qu'on touche au but. Je me réveille doucement tandis que monsieur Lancaster m'offre son plus joli sourire. J'aime bien comment tu penses, Albus. C'est un plaisir de t'avoir chez moi en ce moment, sache-le. Tu es comme un fils pour moi.

Vos valises sont prêtes les garçons ? Eldon hurle que oui dans les escaliers alors qu'on transplane tous les deux près de nos balais. On va à la gare et après on prends un portoloin avec d'autres étudiants. Tout va bien se passer papa, t'en fais pas. Monsieur Lancaster s'approche de nous avant de nous embrasser l'un après l'autre. Faites attention la-bas les garçons. La situation va devenir incertaine ici à cause du procès qui approche. Certains élèves de l'école risquent peut-être de s'attaquer aux fils de mangemorts ou d'anciens mangemorts. Je hoche la tête de haut en bas en lui lançant un sourire confiant. Merci pour tout monsieur Lancaster. Pour l'accueil et pour vos cours. Personne n'entrera dans ma tête désormais. Je vous en dois une. Il éclate de rire tandis que je grimpe sur mon balai. Merlin que je déteste voler sur ces trucs. De rien, Albus. Tu peux revenir quand tu veux, tu es chez toi ici. Chez moi. Cette phrase sonne agréablement dans ma tête. C'est vrai qu'ici, je me sens chez moi. Comme si j'appartenais à ce monde, et pas à celui qui m'était destiné. La nouvelle vie qui se dessine devant moi me semble particulièrement excitante. Une nouvelle école de magie pour approfondir ma connaissance sur les enchantements avec mon meilleur ami que je connais depuis la première année à Poudlard, le rêve. Je vais surement recroiser d'anciens amis de Poudlard et de mon ancienne maison et probablement des membres de ma famille mais curieusement, je me sens prêt à les affronter. Je n'ai pas revu mes parents, James et Lily depuis deux ans, mais j'envoie de mes nouvelles une fois par mois. Je pense qu'ils m'en veulent et je comprends. Mais comme l'a dit quelqu'un de mon passé, je dois vivre ma vie pour moi et certainement pas pour les autres. Un sourire déforme mes lèvres. Le futur s'annonce radieux.