Elle avait fini de trier les différents vêtements de la famille qui la logeait. Et depuis maintenant dix minutes, elle n’avait plus rien à faire. C’était chose rare. Plus encore que la famille en question ne soit pas là. Chiara avait donc la maison libre. Et surtout, rien à faire. Un grand sourire prit place sur son visage. Elle était heureuse. En vrai, elle l’était tout le temps. Du haut de ses dix ans, elle n’était pas à plaindre. Certes, elle ne connaissait pas ses parents biologiques et on ne pouvait pas dire qu’elle était inondée sous un trop plein d’amour, mais elle avait une maison, de quoi manger et un toit pour dormir. Ils n’étaient pas méchants avec la jeune fillette. Oh, pas adorables non plus, mais disons que tant qu’elle faisait ce qu’on lui demandait, ils ne disaient rien. Doucement, elle descendit dans la cuisine, une folle envie de chocolat. C’est alors qu’elle entendit des coups sur la vitre de la cuisine, sursautant, elle courut se cacher derrière le frigo. Risquant un coup d’œil, elle aperçut une grande chouette rousse taper du bec contre le verre. Un morceau de parchemin était attaché à sa patte. Il fallut à Chiara une bonne dizaine de minutes pour oser ouvrir la fenêtre. Elle savait que les sorciers recevaient des lettres par ce moyen de communication, mais il n’empêche que ça lui faisait toujours un peu peur. Elle finit par décrocher la feuille et la déplia. «
Poudlard ? Jamais entendu parlé. Je dois me rendre dans quoi ? Une… gare ? C’est quoi ce truc ? » Etant souvent toute seule, elle avait pris l’habitude de se parler à elle-même. Elle passa tout le reste de la journée, assise dans le salon, dos à la cheminée à parcourir encore et encore la lettre. En dix ans, c’était la première fois que quelque chose était adressée à elle. Rien qu’à elle. «
Maman ! Chiara a reçu sa lettre ! » La jeune fille releva la tête. Elle n’avait pas entendu la porte s’ouvrir et se refermer. Ils étaient rentrés. «
Oui, j’ai eu ça. C’est quoi ? » La mère lui prit le parchemin des mains. «
Poudlard ? C’est une école non ? J’ai été admise dans une école ? » Un silence se fit. Et le parchemin au sceau de Poudlard finit dans les flammes. «
Ce n’est pas pour toi. Toi, tu travailles ici » Ainsi Chiara fut interdite d’entrer dans une école de sorcellerie et d’apprendre à employer la magie. Si au fond d’elle, elle fut déçue, la jeune brunette n’en montra rien. Parce qu’ils l’avaient sauvé. Parce qu’elle leur devait tout. Alors elle acquiesça, et n’en dit plus jamais mot.
Elle avait quatorze ans. Chaque année, elle voyait Caesar partir pour l’année. Caesar, c’était l’enfant de la famille qui l’avait adopté. Caesar, c’était le jeune homme à qui toutes les voisines voulaient parler. Caesar, c’était le beau mec par excellence. Caesar, c’était l’objet de fantasme de toutes les filles. Pourtant, Chiara avait peur de lui. De lui et de ses grands airs. De ses sourires féroces, de son corps parfait. Du haut de ses quatorze années, Chiara était terrifiée. Elle ne lui avait jamais réellement parlé. Ou en tout cas, jamais plus de trois mots. Elle avait trop peur. Pourtant, il ne lui avait jamais rien fait, si ce n’est deux trois effleurements. Mais jamais rien de méchant. A vrai dire, elle était certaine qu’il avait compris qu’il l’intimidait. Et aimait en jouer. Mais pas une parole. Juste des regards. Appuyés. Et des moqueries. Chaque été, elle l’observait s’entraîner avec des sorts complexes dans le jardin, derrière un rideau. Elle aimait bien l’observer. Surtout quand il ne le savait pas, qu’il abandonnait ses grands airs et qu’il était concentré. Il était alors encore plus beau. Mais à chaque fois, elle s’en voulait. Parce qu’elle ratait alors ses tâches et finissait toujours par se faire réprimander par madame. Plusieurs fois, elle voyait des jeunes filles rentrées avec Caesar chez eux. Etrangement, elle ne pouvait jamais les voir. Elles étaient toutes trop connes. Ou trop blondes. Ou trop grandes. Bref, elles étaient tout ce que Chiara ne serait jamais. Et ça ne faisait que la confirmer dans l’idée qu’elle ne pourrait jamais parler à Caesar. Et elle retournait à ses occupations, essayant de toutes ses forces d’oublier ce monsieur qui trottait un peu trop souvent à son goût dans ses rêves. Rêves auxquels elle n’osait jamais penser lorsqu’elle se réveillait, beaucoup trop gênée, beaucoup trop… pas elle.
«
Il est bientôt temps. On doit se mobiliser. Avancer. » Il était minuit passé. Chiara, malade comme une chienne, était descendue chercher un verre d’eau. Et elle était tombée sur une conversation. Qu’elle n’aurait jamais du. «
Il va ressortir. J’en suis sûr... Mais non. Pas lui, imbécile. Un autre, mais les beaux jours vont revenir, je vous l’assure. » Elle n’entendait qu’une seule voix. Celle du père de Caesar. Elle ne parvenait pas à comprendre le reste. «
On ferait bien d’en pratiquer à nouveau. Pour être sûr. Mais si. T’es vraiment blond en fait ? De la magie noire, idiot… Non, ça ne sert à rien, il a retourné sa veste Malefoy. Un gros salopard, oui. Mais nous, nous on est toujours là. D’ailleurs, Chiara nous servira enfin. » Ce fut à ce moment là que son monde s’écroula. Ou tout du moins, qu’elle comprit que si elle restait, ça serait fini pour elle. Ce soir là, elle ne put s’empêcher de rester là, cachée. A écouter. «
Qu’est-ce que tu fous ? » Chiara sursauta, se cogna contre le mobilier et fit tomber toute une pile d’assiette qu’elle n’avait pas fini de ranger, plus tôt ce matin-là. « Imbécile ». Elle sentit qu’on la prenait fortement par le coude et qu’on la tirait dans le couloir d’entrée de la maison. «
Tais-toi ». C’est ce qu’elle fit. Elle reconnut l’odeur de Caesar, sans parvenir à voir son visage. Mais il venait de lui sauver la mise. «
Maintenant, monte. Dépêche toi. » Quand elle fut enfin dans son lit, il était passé trois heures du matin. Gelée, tremblante, les nerfs sur le point d’exploser, elle tomba comme une masse. Avec une seule certitude ici. Elle n’était plus en sécurité ici. Quoique fusse la Magie Noire ou Malefoy. Elle devait s’éloigner. Elle devait partir.
Une jeune femme aux cheveux trempés, aux yeux ruisselants était attablée à une table du chaudron baveur. Trois semaines qu’elle avait fuit. Trois semaines qu’elle était partie de chez elle, abandonnant tout derrière elle. En même temps, rien n’était réellement à elle. Après trois ans, elle avait fini par faire le grand pas. Elle sentait que l’heure pour elle était venue. Quelques jours de plus, et Chiara risquait sa vie. Tout devenait de plus en plus suffoquant, de plus en plus sombre dans la maison. Et les regards fuyants de Caesar en disaient beaucoup. Elle avait pris quelques vêtements et était partie. Loin. Après plusieurs escales, la jeune femme maintenant âgée de dix huit ans avait atterri au Chaudron Baveur. Et elle avait toujours autant peur. Elle ne comprenait pas pourquoi. Elle pensait pourtant faire partie de la famille. Mais apparemment, les elfs étaient aussi remplaçables que n’importe quelle chaussette. Et on lui avait trop souvent dit qu’elle ressemblait à un elf. Même son prénom avait des consonances elf. Poussant un profond soupire, la brune mis sa tête dans ses bras. Dans sept jours, se serait son anniversaire. Dans sept jours, elle aurait dix neuf ans. «
Excusez-moi, mademoiselle ? » Elle releva sa tête. Face à elle, se tenait un homme d’une quarantaine d’année, aux yeux gris perçant. Il était beau. Tellement beau. Trop vieux pour elle aussi. Mais il y avait une certaine tristesse dans son regard. Elle resserra sa veste autour de son frêle corps. «
Vous êtes une sorcière ? Que faites-vous à cette époque de l’année seule ici ? A votre âge, vous devriez être dans une école. » «
Je… » La jeune femme ravala ses larmes. «
Disons que je me suis… enfuie. Je vis ici, on peut dire. Je vais d’ailleurs y aller, au revoir ». Il se leva en même temps qu’elle. «
Attendez. Je ne vous veux aucun mal, ne vous inquiétez pas. Je m’appelle Draco Malefoy ». Elle fit volte face. Malefoy. Celui qui avait retourné sa veste. L’ennemi de sa famille. En trois semaines, un petit sourire vient enfin illuminé son visage. «
Je peux t’offrir un toit. Une école même. Pour les jeunes sorciers majeurs. Tiens, si jamais tu veux un endroit où manger, être logée et apprendre la magie, viens à cette adresse. » Et il partit. Un papier en main, elle l’observa sortir dans la rue et se volatiliser. C’était trop beau. On lui proposait un asile. On lui proposait un rêve qu’elle pensait ne jamais atteindre. Néanmoins, elle prit encore un mois avant de se décider. Finalement, elle poussa les portes de Spinks un trois novembre. Malefoy n’avait pas menti. Et il en était le directeur.